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Mécanisme de synthèse d'ATPpar l'ATP synthase H+-dépendenteCours de Biochimie, 1e année de biologie et médecine,
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Dernière modification de cette page le 11 avril 2002
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En présence d'un gradient de protons (force proton-motrice), c'est le flux de proton à travers le domaine (F0) qui fait tourner une tige dans la tête (F1) de l'ATP synthase et fournit ainsi l'énergie nécessaire à la synthèse d'ATP à partir d'ADP et de phosphate.
En absence de gradient, la même enzyme peut hydroliser de l'ATP pour pomper des protons (ATPase pompe à H+) Animation de Thomas M. Terry, U. Connecticut |
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L'ATP synthase est composée d'une partie mobile (rotor) et d'une partie fixe (stator).
Le passage des protons à l'interface entre rotor (sous-unité c) et stator (sous-unité a) dans le domaine membranaire (F0) cause la rotation. C'est la rotation de la tige (g) qui déforme les sous-unités b du domaine extra-membranaire F1 et fournit à celles-ci l'énergie nécessaire à la synthèse d'ATP. |
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Films prouvant la rotationLa rotation de g par rapport au domaine F1 (a3b3) a été démontrée en fixant les b sur une surface et en attachant un long filament d'actine fluorescente à g . En présence d'ATP, la rotation est visible sous un microscope (films). H.Noji, R.Yasuda, M.Yoshida & K.Kinoshita Jr. Nature 386,299-302 (1997) Fixations:
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La rotation de la tige g du rotor déforme les 3 sous-unités b du stator qui contiennent les sites actifs de synthèse d'ATP.
Ces sites passent par les états O (ouvert), L (lâche) et T (tendu). Une rotation complète du rotor produit 3 ATP |
Le gradient de protons peut être produit par la chaîne respiratoire, la bactériorhodopsine, la chaîne de transport d'électrons limentée par le photosystème II des chloroplastes, etc.
En l'absence de gradient de protons, la même protéine peut pomper des protons en hydrolisant de l'ATP (ATPase pompe à protons). C'est par exemple la fonction principale de l'ATPase pompe à protons de type V (vacuolaire) dans l'ensemble du système sécrétoire, qui acidifie ainsi la lumière des compartiments où elle est active.
L'élucidation de ce mécanisme par Paul D. Boyer et John E. Walker a été récompensée par le Prix Nobel de chimie en 1997 (voir Nature). Mais l'idée de base de l'utilisation d'un gradient de protons pour produire de l'ATP (la théorie chemi-osmotique) a été formulée en 1961 par Peter Mitchell (Nature 191, 144-148) qui a reçu le Prix Nobel en 1978 (après avoir gagné les "Great Chemi-osmotic Wars", selon l'expression d'un des vaincus).
tiré de Wang, H.Y. and Oster, G. (1998) Nature 396, 279-282.
La structure du domaine F1 a été déterminée par cristallographie (en couleur), mais sans b,d, e ni une partie de g (en pointillé). Les sous-unités a, b, d, a (3 copies) et b (3 copies) constituent le stator, les sous-unités c, d, et g constituent le rotor dont la rotation transfère l'énergie du flux de proton à la synthèse de l'ATP.
Les mêmes auteurs proposent quelques films d'animation qui montrent l'effet de la rotation de g sur la conformation des sous-unités a et b :
Dans un article de 2001 (R.Yasuda, H.Noji, M.Yoshida , K.Kinoshita Jr.&H.Itoh Nature,410, 898-904), une bille de 40 nm a été utilisée comme révélateur visible de la rotation de l'ATPase F1 à la place du filament d'actine (voir plus haut). On a pu ainsi décomposer la rotation en deux étapes, une rotation de 90° liée à la fixation de l'ATP et une rotation de 30° liée au relargage des produits de l'hydrolyse (ADP et phosphate). Deux films démontrent la dépendence de [ATP] de la rotation de 90° (matériel supplémentaire, accès restreint).
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La rotation du rotor est liée au passage des protons par le fait que l' accès au site protonable de la sous-unité c est décalé sur les deux faces de la membrane (modèle tiré de Stock, et al. (1999) Science 286, 1700-5):
Elston, T., Wang, H.Y. and Oster, G. (1998, Nature 391, 510-513) proposent le modèle suivant :
Chaque sous-unité c a un Asp (61) qui ne peut être en contact avec les lipides que s'il est protoné.
Seules deux positions permettent la déprotonation, chacune en contact avec a et associée à un demi-canal vers l'une des surfaces de la membrane. Un proton doit faire un tour presque complet de l'anneau entre son entrée par le bas et sa sortie par le haut:
La protonation du Asp61- de droite par un proton venu du bas lui permet de tourner vers la droite, dans la membrane. Ceci fait passer l'Asp61- de gauche à droite et permet à un Asp61 protoné de plus loin à gauche de venir sur la position déprotonable de gauche. Le proton dissocié part vers le haut. Le résultat de l'entrée par le bas d'un proton et de la sortie par le haut est la rotation de l'anneau de c d'une unité vers la droite.
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L'ATP synthase stable de la bactérie thermophile Bacillus PS3 a été produite chez E.coli. Elle a été modifiée par l'introduction d'une cystéine de surface dans les sous-unités b et c. L'ATPase purifiée est active dans des liposomes reconstitués. La partie F0 purifiée permet le libre passage de protons à travers la membrane du liposome. La formation d'un pont disulfure entre les sous-unités b et c supprime l'activité ATPasique de l'ATPase complète et la perméabilité aux protons de la partie F0. Toshiharu Suzuki, Hiroshi Ueno, Noriyo Mitome, Junko Suzuki, and Masasuke Yoshida (2002) F0 of ATP Synthase Is a Rotary Proton Channel . Obligatory coupling of proton translocation with rotation of c-subunit ring. J. Biol. Chem., 277, 13281-13285 |
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Un article plus récent (Rastogi, V.K. and Girvin, M.E. (1999) Nature 402, 263-8. ) présente un modèle plus détaillé du lien entre le passage des protons à l'interface de a et c et la rotation de la couronne de c. Dans ce modèle, 12 sous-unités c forment une couronne de 24 hélices a. Chaque c possède un aspartate (D61) qui peut se protoner et déprotoner. Toutes les sous-unités c sauf une sont protonées et donc non-chargées, ce qui leur permet d'être en contact avec les chaînes hydrophobes des lipides à l'interieur de la membrane. Les résidus en contact avec a sont indiqués sur l'image de gauche en jaune sur la c déprotonée et en vert sur sa voisine protonée. Sur la deuxième image on voit la rotation de 140° de D61- (déprotoné) par rapport à D61 (protonée). Ce résidu change donc de côté de la protéine.
a, Le site actif de translocation du proton dans le complexe ac12.L'arginine R210 de a sert de cliquet.
b, Chemin proposé pour le proton de la surface périplasmique (de la bactérie, inter-membranaire pour la mitochondrie) de la membrane à R210 de la sous-unité a et D61 de la sous-unité c, vue depuis l'interface des sous-unités c (à gauche) et depuis la surface de contact avec F1 (à droite).
cf, Proposion de cycle functionel de translocation d'un proton.
c, Au repos. R210 de a est entre les D61 protoné et déprotoné de deux c (jaune et verte). La flèche indique la position de e
d, Après protonation de D61, l'hélice C-terminale du c nouvellement protoné se tourne vers son orientation préférée.
e, Intermédiaire entièrement protoné. a est en contact avec la c suivante (bleue). L'anneau de c12 a tourné de 30° par rapport à a.
f, D61 de la c suivante perd son proton du côté F1 (cytosolique, matriciel) de la membrane. Son hélice C-terminale se tourne pour atteindre sa conformation stable déprotonée, régénérant l'état en repos de l'enzyme. La flèche indique la position de e au début du cycle.
c, Au repos. R210 de a est entre les D61 protoné et déprotoné de deux c (jaune et verte). La flèche indique la position de e
d, Après protonation de D61, l'hélice C-terminale du c nouvellement protoné se tourne vers son orientation préférée.
e, Intermédiaire entièrement protoné. a est en contact avec la c suivante (bleue). L'anneau de c12 a tourné de 30° par rapport à a.
f, D61 de la c suivante perd son proton du côté F1 (cytosolique, matriciel) de la membrane. Son hélice C-terminale se tourne pour atteindre sa conformation stable déprotonée, régénérant l'état en repos de l'enzyme. La flèche indique la position de e au début du cycle.
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La transmission de la rotation du secteur Fo à la tête F1 implique un lien rigide entre les sous-unités du rotor. Tsunoda, Aggeler, Yoshida, and Capaldi ont introduit des cystéines dans les interfaces entre g et e et entre e et c:
Ceci permet la formation de ponts disulfures entre les trois sous-unités, ponts qui empêchent toute rotation de l'une par rapport aux autres. Ces ponts n'empêchent en rien la fonction de l'ATP synthase et confirment donc la liaison fixe postulée dans le modèle.
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Le rapport entre le nombre de protons transportés et le nombre d' ATP synthétisés (trois par tour complet du rotor) dépend du nombre de c dans l'anneau.
Il semblait y avoir 12 c chez E.coli (et donc 4 H+ par ATP, Jones and Fillingame, (1998), J Biol Chem, 273, 29701-29705). Ces résultats avaient été obtenus en utilisant une protéine c dotée de 2 Cys , ce qui lui permettait de former un pont disulfure avec chaque voisin. Les membranes de E.coli contenaient des oligomères jusqu'à c12.
Cependant le même groupe (Jiang, Hermolin, and Fillingame (2001) Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 98, 4966-4971) a adapté la même approche pour tester ce nombre. Ils ont crée des trimères c3 et tétramères c4 artificiels de c (polypetides à 3 ou 4 domaines c répétés), contenant une Cys dans le 1er et dernier domaine c, en position adéquate. Les c3 et c4 seuls peuvent former des ATP synthases fonctionnelles chez E.coli, plus actives pour c3 que pour c4, l'activité étant intermédiaire quand les deux formes sont coexprimées.
Après formation des ponts disulfures à l'aide d'iode, ils ont pu détecter pour c3 seul des oligomères c6, c9 et un peu de c12 dans l'extrait total de membranes et pour c4 seul des oligomères c8 , c12 et un peu de c16 . Pour les membranes contenant c3 et c4 , ils ont trouvé c6,c7 ,c8 , c9, c10, c11, c12. Cependant, après solubilisation et purification partielle des complexes FoF1 il ne reste que des oligomères &Mac178; c10 . Les complexes plus grands sont donc non-fonctionnels. Ces résultats ont été confirmés en répétant l'expérience de 1998, mais en purifiant les complexes FoF1. De nouveau, ces complexes ne contiennent des oligomères que jusqu'à c10 . Il semble donc bien que E.coli assemble de préférence des anneaux à 10 c (et donc 3.33 H+ par ATP, ) |
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Dans la structure aux rayons X de l'ATP synthase purifiée de mitochondries de levure on voit qu'il y a 10 c (et donc 3.33 H+ par ATP, c.f. Stock, et al. (1999) Science 286, 1700-5) : image stéréo d'une tranche (parallèle à la membrane) de la région Fo et schéma explicatif
Par contre, l'analyse de la surface par microscope à force atomique d'anneaux reconstitués avec la seule sous-unité III (équivalente à c) de chloroplastes d'épinard détecte 14 c (et donc 4.67 H+ par ATP, Seelert, et al., D.J. (2000) Nature 405, 418-419).
Il est possible qu'un organisme adapte ce rapport en fonction de ses besoins, variant ainsi le couplage entre la force proton-motrice et la synthèse d'ATP:
Schemidt et al. ((1998), J Bacteriol 180, 3205-3208) ont trouvé que E.coli avait plus de c par rapport à b ou e en présence de glucose qu'en présence de succinate. Plus de c par anneau permet de produire de l'ATP avec un gradient de protons plus faible, mais coûte plus de protons par ATP produit et ralentit sensiblement l'enzyme. E. coli peut apparemment optimiser sa production ou consommation d'ATP par cette enzyme en fonction de ses possibilités métaboliques.
Le fameux rapport de 3 ATP par NADH , encore toujours utilisé dans les livres de biochimie pour démontrer la haute efficacité de la respiration comparée à la glycolyse, est un fossile de l'ère pré-chemi-osmotique. Il vient de l'observation que 3 complexes de la chaîne respiratoire (I, III et IV, soit NADH-CoQ réductase, CoQ-cytochrome c réductase et cytochrome c oxidase) contribuent à la synthèse d'ATP.
En fait, la chaîne respiratoire pompe probablement 10 H+ par NADH.
Pour E.coli on calcule donc que un NADH contribue pour 10/12 de 3 ATP, soit 2.5 ATP par NADH.
Pour la levure, on aurait bien 3 ATP par NADH, s'il ne fallait pas utiliser un proton pour importer dans la mitochondrie un ADP3- en échange d'un ATP4- et un phosphate (H2PO4-) en échange d'un hydroxyl (OH-). La levure utilise donc 10+3 protons pour 3 ATP, soit 2.3 ATP par NADH.
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Cette ATPase est apparentée à la F-ATPase présentée plus haut. Les comparaisons de séquences indiquent une divergence très ancienne: les bactéries (et mitochondries et chloroplastes, anciennes bactéries devenues organites) ont en général une F-ATPase, alors que les archéa ont en général une V-ATPase (bifonctionnelle, ATP synthase ou ATPase pompe à protons selon les besoins).
Chez les eucaryotes, les membranes du système sécrétoire (Golgi, endosomes, vacuoles, etc) sont dotées d'une V-ATPase pompe à protons.
La structure est semblable avec un domaine V1 extramembranaire et un domaine V0. Le domaine V1 a également trois sous-unités catalytiques (A) et trois sous-unités non-catalytiques (B). L'anneau membranaire est composé de sous-unités c qui ont une taille double de celles de la F-ATPase et un glutamate (E137) essentiel. Il y a au moins six c par anneau. Il y a aussi des protéines c' et c'' qui peuvent être incorporées dans l'anneau. La V-ATPase de Methanococcus jannaschii (archéa) a des sous-unités c en trimères (3 domaines c par polypeptide), dont le premier n'a pas de groupe acide. S'il y a quatre de ces polypetides par anneaux, cela correspond alors à 9 groupes acides et donc 9 protons par tour complet de l'ATPase.
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Structure de la V-ATPase de Kalanchoë daigremontiana déduite d'image en microscopie électronique et de résultats d'analyse biochimiques (les contacts démontrés entre sous-unités sont indiqués par les paires de triangles). Lea auteurs proposent que les sous-unités D et F formeraient le rotor et qu'il y aurait trois liens (au lieu d'un pour la F-ATPase) entre la tête et la partie membranaire du stator.
Voici l'image 3-D reconstituée qui a permis de proposer ce modèle: Ines Domgall, David Venzke, Ulrich Lüttge, Rafael Ratajczak, and Bettina Böttcher (2002) Three-dimensional Map of a Plant V-ATPase Based on Electron Microscopy. J. Biol. Chem., 277, 13115-13121 |
Chez les plantes, cette pompe acidifie le jus vacuolaire et crée ainsi le gradient de protons nécessaire pour les transporteurs secondaires, qui couple le transport de protons au transport de leurs substrat. En conditions de stress salin, la plante peut changer le rapport de protons/ATP en changeant le nombre de c, c' et/ou c''. Voir la revue de R.Ratajczak (2000) Structure, fonction and regulation of the plant vacuolar H+-translocating ATPase, Biochimica et Biophysica Acta, 1465, 17-36.
Cette page a été créée par Jean-Marc Neuhaus